L'HIVER DANS L'ART

 

L'HIVER DANS L'ART

 

En hiver, les journées sont courtes et le soleil se fait rare. La nature se met au repos, figée par le froid et, à certains endroits, recouverte d’un manteau de neige. Il est vrai qu’une atmosphère silencieuse règne dans les forêts, pour certains animaux vient le temps de l’hibernation, les arbres sans feuilles ne vibrent plus sous le vent, il n’y a plus les couleurs vives des fleurs et des fruits. Mais si la nature s'accorde une pause en hiver, c'est avant tout pour se régénérer.

De tous temps, les représentations hivernales ont inspiré les artistes. Même si cette saison peut être rude, elle évoque souvent la quiétude.

 

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Chasseurs dans la neige de Pieter Brueghel l’ancien (1565)

Pieter Brueghel l’Ancien (vers 1525-1569) est l’un des grands noms de la peinture flamande du XVIe siècle, il est pourtant difficile de retracer sa vie avec exactitude. Brueghel fait partie, avec Jan van Eyck, Jérôme Bosch et Pierre Paul Rubens, de l’École flamande. A l’époque, ces quatre peintres ont eu une influence notable sur l’art et la peinture européenne et ont de nombreuses fois voyagé dans les pays voisins, dispensant leur savoir et leurs techniques. On sait également que Brueghel prend très tôt de la distance avec les techniques de peinture des grands maîtres italiens. Son art figuratif témoigne des aléas de la vie rurale de son époque.

Le peintre appréciait côtoyer les paysans de sa région, en participant régulièrement à des fêtes populaires. C’est ainsi qu’il reproduit les scènes paysannes qu’il observe, décrivant avec drôlerie et finesse la légèreté de leurs fêtes et de leurs jeux. Brueghel est d’ailleurs surnommé « Brueghel le Drôle » par ses contemporains, tant il aimait rire et s’amuser en compagnie de ses amis paysans.

Le tableau « chasseurs dans la neige » appartient à la série des mois et représente décembre. Du XVIème siècle à la fin du XVIIème, les hivers étaient particulièrement froids sur notre continent. L’hiver 1565 aux Pays-Bas est encore plus rude, marqué par d’importantes chutes de neigeA, on rapporte ainsi que « les chevaux en ont jusqu’au ventre ».

Brueghel nous présente trois hommes qui reviennent de leur chasse avec une bien maigre prise, seulement un lapin. Les conditions de vie sont très difficiles mais ce n'est pas ce que souhaite montrer l'artiste. En effet il préfère s’attarder sur les joies simples de la vie quotidienne : le réconfort d'un feu de cheminée, les jeux sur le lac gelé proche du village vers lequel notre regard est dirigé par la perspective plongeante.

Pieter brueghel

 

L’hiver dit « la frileuse » de Jean-Antoine Houdon (1783)

Jean-Antoine Houdon est l’un des plus importants sculpteurs français du 18ème siècle. Ses portraits sont extrêmement précis et vivants, c’est pourquoi il est surtout connu pour ses bustes, notamment ceux de Catherine II de Russie, Diderot ou encore Voltaire. La force qu’Houdon réussit à insuffler à l’ensemble de ses portraits en fait un sculpteur intemporel, toujours apprécié par-delà les âges ou les modes.

Le 18ème siècle est marqué par un retour vers l’antique, le néo classicisme s’inspire des statues grecques et romaines, sans pour autant les copier.  La Frileuse n’a rien d’une déesse infligeant aux hommes son souffle glacial. L’allégorie est à peine un prétexte ce que semble confirmer l’amphore brisée qui git à son flanc. L’hiver est bien celui qui s’impose à des « particuliers » qui l’endurent et tentent de s’en protéger. Le sculpteur renouvelle l’image traditionnelle de la froide saison en rendant tangible la sensation du froid grâce à cette sensuelle nudité. Jugée trop indécente elle ne put être présentée au Salon de 1785.

 A la suite de la révolution française de 1789 cette sculpture de Jean-Antoine Houdon connu un vif succès. Un nombre considérable de répliques, notamment en bronze, ont été produites. Le prétexte de la mythologique gréco-romaine permettait alors de dévoiler des déesses très dénudées…

 

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La nevada (el invernio) de Francisco de Goya (1786)

Nommé peintre du roi d'Espagne en 1786, Goya est alors au plus haut de son ascension sociale. Cette peinture consacrée à l’hiver est l'une des quatre représentations de chaque saison avec Las Floreras (le printemps), La Era (l'été) et La Vendimia (l'automne) destinées à la salle à manger de Charles IV, au palais du Pardo.

Dans une atmosphère froide, sombre et triste, les protagonistes souffrent de la dureté du vent et de la neige. C'est la première représentation réaliste de cette saison, sans romantisme. Avec le blanc, Goya parvient à transmettre le froid et la neige et de la tempête, qui contraste avec les tons sombres du reste de la composition.

 

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La Pie de Claude Monet (1868 – 1869)

Claude Monet est né en Normandie en 1840. Après de graves difficultés financières et en mal de reconnaissance artististique, l’ayant conduit à une tentative de suicide, il décide de revenir sur les terres enneigées de son enfance, pour reprendre souffle mais aussi pour exposer plusieurs tableaux à l'exposition internationale maritime qui se tient au Havre.

Le paysage de « la pie » se situe près d’Etretat. Techniquement, ce n’est pas un simple camaïeu de blanc. En effet, même si Monet utilise une gamme de couleur réduite (principalement des couleurs pâles), il façonne une diversité des blancs en ajoutant des touches de bleus de marron,de gris ou  de noir. Les ombres sont bleutées, la lumière du soleil se pare d’ocre… ce soleil caché derrière les nuages et le brouillard éclaire le tableau en restituant avec précision l’atmosphère de neige qu’il a vu directement. Les impressionnistes comme Monet sont parmi les premiers peintres à se rendre et à peindre directement devant le paysage, en plein air. Monet peint donc directement cette toile face au paysage et il ressent pleinement le froid qu’il parvient à nous faire ressentir à notre tour.

Nous ressentons également dans cette peinture une certaine quiétude et de la sérénité, car, ici, la pie sert à nous montrer la beauté du monde, si simple à voir pour qui sait regarder comme un oiseau.

Cette œuvre marque le début du du courant impressionniste par l'application des couleurs, les traits de pinceaux visibles, les effets de lumière et surtout la saisie de l’instant présent, fugace et vrai.

Monet, lors de la création de cette œuvre, écrira à son ami Frédéric Bazille : « Je vais dans la campagne qui est si belle ici, que je trouve peut-être plus agréable encore l’hiver que l’été. Je crois que cette année, je vais faire des choses sérieuses. »… L’un de ses tableaux les plus célèbres « Impression, soleil levant » sera peint trois ans plus tard, en 1872.

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Dans l’interminable ennui de la plaine de Paul Verlaine (1874)

Ce poème est le huitième de la section « Les Ariettes oubliées ». Il est extrait du recueil Romances sans paroles de Paul Verlaine, paru en 1874.

Verlaine nous donne à voir un paysage hivernal du Nord de la France d’où sa famille est originaire. Il met en place un décor qu’il brouille petit à petit. D’une part, il associe la contemplation de la nature aux sentiments : le tableau est plus suggéré, ressenti que vu.

Dans l'interminable

Ennui de la plaine

La neige incertaine

Luit comme du sable.

 

Le ciel est de cuivre

Sans lueur aucune.

On croirait voir vivre

Et mourir la lune.

 

Comme les nuées

Flottent gris les chênes

Des forêts prochaines

Parmi les buées.

 

Le ciel est de cuivre

Sans lueur aucune.

On croirait voir vivre

Et mourir la Lune.

 

Corneille poussive

Et vous, les loups maigres,

Par ces bises aigres

Quoi donc vous arrive?

 

Dans l'interminable

Ennui de la plaine

La neige incertaine

Luit comme du sable

Verlaine

Anna Karenine de Léon Tolstoï (1877)

Anna Karénine est un roman de Léon Tolstoï paru en 1877. Il compte parmi les chefs d’œuvre de la littérature. Anna Karenine est une jeune femme mariée qui malgré les remords et le sentiment coupable ne pourra lutter contre la passion qu’elle ressent pour un autre homme. Incarnation du péché, Tolstoï en fait également un symbole de modernité et de liberté.

Dans l’œuvre le Tolstoï, la nature avertit souvent les personnages des futures épreuves qui les attendent, elle reflète leur état d’âme et prédéfinit leur destin. Ainsi, Anna Karenine se retrouve au cœur d’une violente tempête de neige :

« Le vent semblait l’attendre, il siffla gaiement et voulut l’enlever et l’emporter, mais elle s’accrocha d’une main au poteau glacé et, retenant sa robe, descendit sur le quai et passa derrière la voiture. Avec un véritable plaisir elle respirait à pleins poumons l’air froid et, debout près de la voiture, regardait le quai et la station baignée de lumières ».

Karenine

Vous souhaitant un hiver plein de sérénité, nous vous donnons rendez-vous à la prochaine saison,

 

Fred Fontaine

pour Prométhéas

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